7 concepts cruciaux de la psychanalyse – J. D. Nasio

Enseignements de 7 concepts cruciaux de la psychanalyse - J. D. Nasio

Avant propos

Après cette lecture, je me dis qu’en réalité dans Enseignement de 7 concepts cruciaux de la psychanalyse de J. D. Nasio, le seul concept psychanalytique qui n’a pas été érigé en titre de chapitre et celui qui relie l’ensemble des concepts. Concept qui pourtant est cité dans presque toutes les parties de ce livre, je parle ici du complexe d’Œdipe. Cet Œdipe, qui est à la source, l’origine de notre sexualité et qui la plupart du temps même est à la source de nos névroses. Complexe d’Œdipe à travers lequel chaque enfant, nous tous, doit passer parce que personne n’y échappe tant il est constitutif de ce que nous sommes, et donc tant il est crucial. Personne n’y échappe excepté peut-être le psychotique, car chez lui le Nom-du-Père étant forclos, son utilisation dans la substitution signifiante de la métaphore paternelle se trouve alors compromise et l’énigme angoissante du désir de l’Autre maternel ne peut pas être symbolisée par le sujet qui reste face à ce point d’énigme, face à cette béance. Le crucial Œdipe ne peut donc pas être dépassé et la structure psychotique peut alors s’installer pour le meilleur, car elle est un moyen de survie et un mécanisme de défense avant la désagrégation du Moi et pour le pire, car elle est comptable du prix exorbitant à payer de la psychose pour l’individu concerné.

Je dois dire qu’à la lecture des premières pages de ce livre, j’ai ressenti comme un éreintement, j’ai pensé me lancer dans un récit théorique et rigide au sujet de ces sept cruciaux et fameux concepts de la psychanalyse. Mais au fil des pages, je me suis rendu compte que la lecture et les explications étaient très fluides, que les concepts étaient expliqués et illustrés très clairement. Une très bonne base de la psychanalyse, abordable et particulièrement bien expliquée pour les novices et une bonne piqûre de rappel pour les plus expérimentés !

Les concepts brièvement expliqués

Plus tard, alors que je passe devant une salle de sport, j’entrevois une personne en train de pédaler sur un vélo elliptique, et je pense au mouvement des pédales qui suit le parcours d’une ellipse. Je songe à nouveau à ma lecture assidue de Nasio et je note que j’ai trouvé la sélection des concepts très pertinente, d’une part parce qu’effectivement je crois que ces derniers sont réellement les concepts à maîtriser sur le bout des doigts et à savoir manier en psychothérapie et en psychanalyse et d’autre part, parce qu’ils sont tous liés, parce que nous parcourons tous cette ellipse. Pas de castration sans phallus, pas d’identification sans narcissisme, pas de sublimation si pas de Moi et s’il n’y a pas de Moi il n’y a pas de Surmoi. Par ailleurs, pas de Surmoi non plus sans Œdipe et pas d’Œdipe sans castration ou pas de castration sans Œdipe. Et enfin la forclusion ne peut s’opérer uniquement si la castration n’a pas eu lieu. Je trouve cet enchevêtrement particulièrement intéressant et très représentatif du fonctionnement du psychisme humain.

Globalement, ce choix de concepts psychanalytiques est tout à fait convenable et il me semble qu’il permet aux apprenants ainsi qu’aux profanes d’avoir une vision d’ensemble de chacun d’entre eux. Toutefois, je ferai trois remarques, la première étant que j’aurais choisi un autre ordre d’évocation des concepts, un ordre plus chronologique selon moi. Le phallus en première position parce qu’il existe chez l’enfant, fille ou garçon, l’universalité du pénis, pénis qui doit être entendu comme phallus, la partie du corps la plus importante aux yeux de l’enfant. Sans l’universalité du pénis, sans phallus imaginaire et symbolique, la castration ne peut pas avoir lieu. En deuxième place viendrait donc le narcissisme primaire, dans un premier temps, à travers lequel la pulsion se satisfait de manière auto-érotique, sur le corps propre et plus tard, dès le stade du miroir, l’enfant fonctionnerait sur ce que l’on appelle un mode mixte, un mélange de narcissisme primaire et secondaire, c’est ici que le narcissisme secondaire se mettrait en place et ceci avant l’Œdipe. Je note également que d’après Lacan, le Moi naitrait dès le stade du miroir. Une fois le narcissisme primaire et secondaire mis en place, pourrait alors intervenir l’identification, l’intrication entre le Moi et l’objet total et celle entre le Moi et l’objet partiel. Ainsi, j’aurais positionné le complexe de castration en cinquième position, même si ce dernier est véritablement important et central dans la construction psychique d’un individu, d’après moi, chronologiquement, il se situerait ici. À la sixième place, viendrait selon moi le Surmoi car si le complexe de castration a été dépassé, pour le garçon, cela signifie que l’Œdipe a fait son œuvre. Pour la fille, le dépassement du complexe de castration donnera naissance au complexe d’Œdipe. Le Surmoi étant, comme le soulignait Freud, « l’héritier de l’Œdipe » il ne peut entrer en scène avant ce dernier. En septième, interviendrait la sublimation, parce après ces épreuves d’Œdipe et de castration, après tout cet investissement pulsionnel, après la séparation d’avec la mère et l’intégration de l’interdit de l’inceste, le Moi narcissique étant en place et l’idéal du Moi ayant été construit grâce à des identifications aux parents, notamment pendant l’Œdipe, ils peuvent tous deux diriger le processus de sublimation, éveiller la curiosité de l’individu et pourquoi pas l’inciter à la création, à un but non sexuel. Enfin en huitième position la forclusion, qui peut être l’un des destins tragiques suite à une étape manquée dans ce parcours.

Les concepts qui ne sont pas mentionnés

Ma deuxième remarque est la suivante, j’aurais ajouté un chapitre sur les théories de Bion qui me paraissent essentielles en psychanalyse. Selon moi, ce retour aux fondamentaux psychanalytiques, à la psychogénèse, est tout aussi crucial en psychanalyse que les thèmes évoqués par Nasio. En effet, savoir comment se constitue le psychisme d’un individu et à quel point il peut être impacté selon que ce dernier évolue dans tel ou tel groupe social, grandisse avec tel ou tel éléments Beta en lui, avec telle ou telle béance, est je crois un concept à ne pas écarter. En effet, les théories de Bion peuvent être décisives en termes de comportements humains et de pathologies psychiques. Pour poursuivre, je me permets de soulever un autre point qui porte sur quelque chose qui m’a marqué, en effet dans chaque chapitre, Nasio nous parle de structure névrotique, il nous parle également de structure psychotique mais jamais, à aucun moment sauf oubli de ma part, il ne nous parle des états-limites, ceci s’explique par le fait qu’il fait partie du courant lacanien et que dans ce courant les états-limites n’existent pas, ils sont considérés comme des psychotiques. Je trouve que cela aurait été intéressant de les évoquer à la fois pour éclairer les lecteurs sur la constitution de cette structure psychique de plus en plus présente de nos jours mais aussi pour mettre, pourquoi pas, en lumière les théories de Klein, de Winnicott, et de relation précoce à la mère. Enfin, en dernière remarque, j’aurais également parlé d’un concept amené en psychanalyse par Racamier : l’Antoedipe. Cette période qui précède l’Œdipe et qui correspond un peu à la position dépressive détaillée par Klein. Cette période de l’Antoedipe faite de conflits internes et d’impasses dans lesquels l’enfant se trouve tiraillé d’un côté par l’union narcissique et de l’autre côté par l’individuation. Un concept qui parle d’une période qui peut, je crois, elle aussi influencer le bon déroulement du complexe d’Œdipe et du complexe de castration.

Ce livre peut être utile à ceux qui envisagent l’identification comme un simple mécanisme de défense basique qui consiste, comme l’explique Nasio, à ce qu’un sujet A et un sujet B soient reliés par un rapport d’identification. Avec l’exposé plus détaillé de Nasio, le lecteur peut découvrir d’une part, les points de vue différents sur le concept d’identification de Freud et Lacan. Chez Freud, je note que l’identification n’intervient pas au niveau des relations intersubjectives mais plutôt au niveau des relations intrapsychiques et qu’ainsi elle ne peut s’opérer entre deux sujets mais plutôt entre deux instances psychiques, en l’occurrence le Moi et l’objet. Chez Lacan, le lecteur peut aller plus loin en admettant que l’identification signifie que la chose avec laquelle le Moi s’identifie est la cause du Moi, et que par conséquent le terme identification est le nom donné au processus psychique de la constitution du Moi. D’autre part, le lecteur pourra mieux appréhender la différence entre l’identification en tant que processus psychique et l’identification en tant que mécanisme de défense. Dans le mécanisme de défense, l’individu se trouve incapable de faire des choix seul, sans avoir un modèle de référence. L’identification, en termes de mécanisme de défense, condamne l’individu à « faire comme… », cela signifie donc que le Moi est faible ou incertain, qu’il a besoin de s’adosser à un autre Moi qui lui semble plus fort et plus affirmé. Pour autant, l’identification en tant que processus psychique constitue ce qui nous a tous construit lorsque nous étions enfants ou adolescents. Rien de ce que nous sommes aujourd’hui n’est la cause du hasard. Nous sommes tous allés piocher, durant l’enfance et l’adolescence, quelques morceaux, ici et là, de plein de modèles différents, ce qui a construit notre Moi, la part rationnelle de nos psychismes et de nos personnalités.

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